Avec tous mes voeux !

17 janvier 2014

Mot de l’Evêque - Eglise d’Avignon n°96


En ces premiers jours de l’année, nous avons coutume d’échanger nos vœux, mais que souhaiter pour notre diocèse, pour nos paroisses, pour notre société, pour notre monde au seuil de cette nouvelle année ?

Le premier vœu que je voudrais formuler pour nous tous au risque de choquer : Que nous puissions tous nous convertir, changer de vie ! En même temps, plus je vieillis, plus je découvre mon incapacité à vivre une authentique conversion ; seul, j’en suis incapable, mais avec le prophète je ne peux que m’écrier : « Convertis-nous, Seigneur, et nous serons convertis ! »

Alors tout devient possible. Au souffle de l’Esprit, je découvre combien l’eucharistie dominicale me transforme, me façonne, à condition bien sûr que j’accueille celui qui se donne à moi pour m’unir à lui. Le Christ, l’enfant de la crèche devient en moi source de lumière, foyer d’amour qui m’ouvre à la fraternité, à la communion avec tous mes frères les hommes.

Aussi, je voudrais formuler un autre vœu : qu’en notre terre de Provence, dans notre diocèse, nous puissions vivre une vraie fraternité, enracinée dans le Christ et rayonnante de son amour, de sa présence. J’entends encore le Christ nous dire : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples ». Mais là encore, je le sais : il y a tant de germes de divisions en chacun de nous, dans nos paroisses, dans nos villages que l’idée même d’une authentique fraternité apparaît comme une utopie. Pourtant, nous les chrétiens, nous pouvons mendier auprès de l’enfant de la crèche la source même de toute fraternité : nous sommes tous les enfants d’un même Père qui nous appelle à devenir ses enfants bien-aimés dans l’unique bien-aimé, l’enfant Dieu emmailloté et couché dans une crèche.

J’ai encore un vœu à formuler, mais pour cela, je voudrais vous inviter à bousculer une tradition bien ancrée dans notre terre de Provence. À l’occasion de l’arrivée des mages auprès de l’enfant Jésus, le petit roi de gloire, nous allons partager des galettes fourrées de fruits confits ou de pâte à la frangipane. Dans nos galettes, une fève, celui qui la trouve dans sa part reçoit une couronne et devient roi ou reine. Mais cela est une tradition vraiment païenne contraire à la démarche des mages de l’Évangile. En arrivant, ils se sont prosternés devant l’enfant et ils l’ont reconnu comme leur Roi, leur Dieu et leur Sauveur. Si nous voulons entrer dans la logique des mages, nous devrions quand nous trouvons la fève, prendre la couronne et aller la déposer aux pieds de l’enfant dans la crèche, dans un geste d’amour en nous souvenant de la seule couronne que les hommes aient déposée sur sa tête !

Ainsi, nous pourrons découvrir un vrai chemin de conversion. En allant déposer ma couronne aux pieds de Jésus, j’accepte de me décentrer de moi-même et de mettre l’enfant Jésus au centre de ma vie. Il pourra alors agir en moi pour me permettre de découvrir la source de toute vraie fraternité ; au-delà de tous les germes de divisions qui nous habitent, il deviendra en moi et en nous source d’amour et d’unité. Car, ne nous y trompons pas, contrairement aux sirènes qui essayent de nous imposer l’idéologie à la mode, l’unité et la fraternité n’ont pas pour fondement une égalité réductrice, mais une reconnaissance de la complémentarité des uns et des autres qui est notre véritable richesse. Toi, mon frère ou ma sœur, tu es différent de moi, mais nous sommes complémentaires pour bâtir ensemble un monde plus fraternel, une civilisation de l’amour.

Et si je devais terminer par un ultime vœu, je l’adresserais à nos élus. Dans quelques semaines, vous allez vous présenter et présenter vos programmes en vue des municipales. Mais par pitié, arrêtez de vous entre-déchirer ! Nous vous demandons de nous proposer une manière de vivre ensemble au sein de nos villes et de nos villages sur laquelle nous pourrons le moment venu nous prononcer. Vous n’avez pas pour mission de ressortir des placards des « cadavres » que vous avez judicieusement conservés jusque là pour pouvoir abattre vos adversaires. Puissiez-vous travailler à nous aider à vivre cette fraternité qui est à la source même de notre vie de chrétien et que la République a voulu choisir pour dire le premier fondement sur lequel elle voulait se bâtir. Alors surtout, n’oubliez pas que vous devez être les premiers à vivre cette fraternité durant la campagne électorale.

Bonne année à tous : changeons de vie, apprenons à vivre en frères et surtout ne mettons pas de couronne sur notre tête, ce serait la pire des choses.


+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon