Dieu est vraiment déroutant

1er décembre 2014

Mot de l’Evêque

Dieu est vraiment déroutant. Devant la situation de notre humanité, Il est décidé à réagir ; la situation, pour lui, est devenue insupportable, mais comment ne pas être déconcertés par sa manière de faire ! Sans bruit, le Fils de Dieu vient partager notre propre vie humaine, il prend “vie” dans le sein d’une jeune fille de quinze, seize ans, absolument inconnue, fiancée à un artisan charpentier d’un village perdu – un trou ! – dans la Galilée des nations.
 
Immédiatement, la future maman qui porte Celui qui porte l’univers, s’en va tout simplement aider sa vieille cousine qui, elle aussi, malgré son âge et sa stérilité, attend un bébé, dont le nom sera “Jean”, c’est-à-dire “Dieu fait miséricorde”. Mais quelle est donc cette miséricorde ? Le cœur de Dieu bouleversé a soif de répandre son amour divin. La jeune Marie à peine a-t-elle salué sa cousine que mystérieusement le fœtus du petit Jean tressaille de joie et sa vieille maman est remplie de l’Esprit Saint. Celle-ci, remplie de l’Esprit Saint, ne peut que s’écrier : "Comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?" Une expérience que chacun de nous peut vivre en accueillant à son tour Marie qui vient nous visiter.
 
De son côté, la future maman, l’humble servante du Seigneur, rentre dans l’ombre et avec Joseph se retrouvent sur les routes de terre sainte, comme tant de populations déplacées pour rejoindre Bethléem, le lieu du recensement voulu par l’empereur. Là, l’heure est venue pour elle d’enfanter, mais il n’y a pas de place pour eux dans l’hôtellerie du village, il n’y a pas de place pour Dieu dans notre monde, il devra naître dans une crèche au fond d’une grotte. Dieu est vraiment incompréhensible, il aurait pu se présenter, présenter sa carte d’identité et il aurait été accueilli à bras ouverts par toute la bourgeoisie de Bethléem ! Et si sa naissance nous révélait quelque chose de son être et de sa mission ?
 
Voilà qu’il se présente comme “un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une mangeoire” et les bergers peuvent en témoigner. Pourtant la première parole du ciel à la terre le jour de sa naissance annonçait la Paix sur la terre pour les hommes que Dieu aime et les anges précisèrent aux bergers : je vous annonce une grande joie pour vous tous, un enfant, un sauveur vous est né. Quel est donc ce sauveur qui se présente ainsi ? Quelle est donc cette paix qui nous est annoncée ? Et si nous avions là la réponse à toutes nos attentes, aujourd’hui encore. Pourquoi ne pas suivre les bergers et aller nous aussi rencontrer cet enfant nouveau-né ? Il ne nous demande rien, il nous invite simplement à venir le rencontrer comme autrefois les bergers. Laissons-nous rencontrer par l’enfant Dieu, peut-être aurait-il quelque chose à nous dire aujourd’hui encore ? Si notre vocation n’était pas de devenir quelqu’un, d’acquérir richesse et savoir aux yeux du monde, mais de devenir à l’image de l’enfant Dieu, un véritable enfant qui ne peut que se recevoir de son Père du ciel. Il n’a rien, il s’est laissé dépossédé de tout pour vivre d’un lien d’amour avec son Père du ciel. Devenir fils dans le Fils ne serait-ce pas là la mission du Sauveur qui nous est né ?
 
Le témoignage des bergers rejoint le désir même de Dieu : se faire petit enfant pour nous apprendre à le devenir nous aussi. En contemplant l’enfant Dieu, il nous assimile à lui et nous fait comprendre que nous ne pourrons entrer dans la vie si nous ne devenons pas comme lui, un petit enfant, l’enfant bien-aimé du Père ; il veut nous prendre en lui pour nous faire entrer dans la vie même de Dieu.
 
A quelques jours de là, toujours à Bethléem, arrivent les rois mages. Leur aventure nous concerne tous car elle nous montre comme Dieu nous rejoint aujourd’hui encore pour nous proposer humblement un nouveau chemin de vie. Ils voudraient nous raconter comment ils en sont arrivés là : "Tout d’abord nous avons vu un signe, une étoile, nous y avons prêté attention et nous nous sommes mis en route. Vous aussi, Dieu ne cesse de vous donner des signes dans votre vie quotidienne, mais savez-vous y être attentif ? L’étoile nous a guidés jusqu’à Jérusalem, mais là, elle disparut. Nous ne savions plus quoi faire, nous avons été voir le roi Hérode et il a fait rassembler tous les spécialistes de la bible pour savoir où devait naître le roi des Juifs. Ils nous ont immédiatement donné la lumière : Il doit naître à Bethléem en Judée. Nous avons alors compris comment Dieu, après nous avoir donné sa lumière par des signes, nous parlait par sa Parole. La bible devenait lumière pour nos vies. Nous sommes partis pour Bethléem et là, stupeur, car à peine sortis de la ville l’étoile était de nouveau lumineuse dans le ciel et elle nous conduisit au dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Nous ne savions pas quelle était cette mystérieuse étoile. Plus tard quelqu’un nous a dit que le prophète Isaïe avait annoncé la venue de celui qui serait la “lumière des nations”. Ainsi en quelque sorte le Christ lui-même était devenu notre lumière pour nous conduire jusqu’à la maison Église. Des signes, la Parole de Dieu, le Christ lui-même, telles furent les étapes qui nous ont conduit jusqu’à la maison Église et en entrant, nous avons vu l’enfant et sa mère. Là encore, ce n’est que beaucoup plus tard que nous sommes entrés dans le mystère de l’Église. Elle est le Corps mystique du Christ et le Christ est l’enfant bien-aimé du Père et il est venu comme un petit enfant pour nous apprendre à devenir en lui de petits enfants, les petits enfants bien-aimés du Père. Le mystère de l’Église est là, dans l’enfant et sa Mère."
 
En ce temps de l’Avent et de Noël, laissons-nous dérouter par Dieu, allons à sa rencontre, acceptons de remettre en cause toutes nos idées sur Dieu, lui et lui seul pourra nous conduire à découvrir à travers l’enfant de Bethléem, celui qui nous révèle qui est Dieu, qui est l’homme et quelle est sa vocation.
 
Alors, devant Boko Aram et le Califat islamique, devant le matérialisme et l’eugénisme dans lesquels nous baignons, devant l’idéologie du genre qui nous envahit, devant nos sociétés qui n’ont plus de boussole, n’ayons pas peur ! Comme l’écrivait Bernanos : “Quand le pouvoir du mal qui n’est d’ailleurs qu’apparence et illusion se manifeste avec le plus d’éclat, Dieu redevient le petit enfant de la crèche”. Il nous prend par la main et nous montre le chemin de l’amour ; alors laissons-nous aimer !
 
Pendant ces fêtes de Noël et de fin d’année, puissiez-vous tous vivre dans la joie d’une vie d’enfant, de famille, de couple ; puissions-nous ne laisser personne seul au bord du chemin, mais découvrons la joie de l’amitié partagée, d’une fraternité qui ne sera plus un vain mot, mais le fruit d’une communion qui, pour nous chrétiens, trouve sa source dans l’enfant de la crèche.
 
 
+ Jean-Pierre Cattenoz,
 Archevêque d’Avignon
 

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