Lève-toi et marche

25 juin 2014

Mot de l’Evêque - Eglise d’Avignon n°101


Pierre et Jean arrivent au Temple, un mendiant impotent est là à demander l’aumône. Pierre lui dit : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne, au nom de Jésus Christ le Nazaréen, marche ! » Il le prend par la main, il le relève et immédiatement le voilà debout, il marche et il entre avec eux pour la prière tout en proclamant les merveilles de Dieu.

Depuis des années nous sommes au coeur d’une révolution idéologique qui déchire notre société et prétend bousculer les fondements-mêmes de la famille, du couple, de la complémentarité de l’homme et de la femme pour s’aimer, s’épanouir et donner la vie. Au sein de l’Eglise, les uns voudraient accompagner cette évolution de la société, d’autres voudraient simplement au coeur-même de cette remise en cause radicale apporter la lumière de la loi naturelle et en rappeler les enjeux réels pour nos enfants. Des accusations d’idéologie fusent de part et d’autre jusque par blogs interposés.

Et si nous revenions à l’Evangile pour redécouvrir la puissance du nom de Jésus à remettre l’homme debout, à le remettre en route sur le chemin de la vie dans la louange ! Et si nous prenions le temps d’entendre ce verset du psaume (Psaume 85, v. 11) : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ».

Les autorités juives ne comprennent pas comment ces hommes sans instruction ni culture (Ac 4, 13) ont pu redonner à cet homme toute sa dignité d’homme ! Pierre a beau leur expliquer : « C’est par le nom de Jésus que cet homme a été guéri, a été sauvé, a été remis debout » (Ac 4, 10). Et devant les menaces, Pierre pourra dire à toutes les autorités : « S’il est juste aux yeux de Dieu de vous obéir plutôt qu’à Dieu, à vous d’en juger. Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous vu et entendu » (Ac 4, 19-20). Et si, aujourd’hui encore, nous agissions à la manière de Pierre et de Jean en proclamant ce que nous avons vu et entendu, en proclamant à la manière du Pape François comment Jésus nous a remis debout et souhaite remettre debout tous nos frères les hommes : « Jésus-Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour, pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer » (La joie de l’Evangile, n°163). Le Pape nous invite chaque jour à rayonner la joie, la joie de l’Evangile, à accueillir tout homme dans l’amour, un amour qui déjà redonne vie à l’autre.

Cependant, attention, ‘amour et vérité se rencontrent’ et il est souvent difficile de tenir tout à la fois l’amour et la vérité, mais heureusement, nous avons sous les yeux l’exemple de saint Jean-Paul II. Il a voulu commencer son pontificat par une encyclique sur ‘Le Christ rédempteur de l’homme’, il voulait inviter l’Eglise à chercher la lumière dans la source véritable de la lumière en Celui qui nous a dit : « Je suis la lumière du monde ». Les choses étaient cadrées ! Il a été à la rencontre de tous, il a invité des millions de jeunes à vivre les J.M.J.

Le courant passait entre lui et eux, il les rejoignait, il cheminait à leur rythme et pourtant à aucun moment, il n’a renoncé à leur montrer la lumière de la vérité qui éclaire le chemin de l’homme. Prenez, à titre d’exemple, son encyclique ‘L’Evangile de la vie’, il n’a pas eu peur contre vents et marées de proclamer à la suite de Vatican II (GS n°51) que « l’avortement est un crime abominable au même ti tre que l’infanticide […] ».

Devant une situation aussi grave, le courage de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom est plus que jamais nécessaire, sans céder à des compromis par facilité ou à la tentation de s’abuser soi-même.

A ce propos, le reproche du Prophète retentit de manière catégorique : ‘Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres’ (Is 5, 20). » (L’Evangile de la vie, n°58).

Les jeunes n’ont jamais refusé la lumière de la vérité que le Pape leur montrait avec force et douceur, même s’ils étaient loin d’en vivre, ils avaient besoin de ces repères et les foules de jeunes ménages - la génération Jean-Paul II - qui ont voulu être présents à ses obsèques, à sa béatification et à sa canonisation en témoignent.

« Amour et vérité se rencontrent », certes, mais il faut aller plus loin encore, il faut que « Justice et paix s’embrassent ». La justice, au sens biblique, répond au désir d’accomplir la volonté de Dieu, de se laisser habiter et conduire par lui dans l’amour. Mais, pour pouvoir répondre ainsi au désir de Dieu, il faut vraiment que ‘justice et paix s’embrassent’ et là, le bon Pape Jean, saint Jean XXIII témoigne à son tour à travers son encyclique ‘La paix sur la terre’ qui, en pleine guerre froide, trace le chemin d’une paix véritable entre les hommes, entre les états et au coeur de notre monde.

Il ne faisait que rappeler l’Evangile où les anges dans le ciel, la nuit de Noël proclament la paix en annonçant la naissance de Jésus et à l’autre bout de l’Evangile, le premier mot de Jésus Ressuscité à ses disciples est celui de Paix.

La paix véritable est l’unité retrouvée par la mort et la résurrection de Jésus. Par sa mort, il nous donne de mourir au péché et par sa résurrection, il nous entraîne en Lui sur le chemin de l’unité en nous-même, dans notre vie avec nos frères et dans nos relations avec la création elle-même. Il nous donne de naître à la vie véritable en devenant en lui les enfants bien-aimés du Père. Il a rétabli la Paix entre nous et Dieu pour nous réunir tous en lui et nous donner de partager sa propre vie divine dans l’unité. Le bon Pape Jean en vivait et pour lui, le besoin de l’Eglise était de vivre dans un souffle nouveau, de vivre au rythme de l’Esprit Saint.

Et si vous aviez encore besoin d’être convaincu, regardez le Pape Paul VI qui sera béatifié à l’automne, il n’a pas eu peur d’affronter toute la société occidentale et jusqu’aux gens d’Eglise à travers son encyclique ‘Humanæ vitæ, sur le mariage et la régulation des naissances’ pour dénoncer ce qu’il entrevoyait de l’évolution de notre société. En pleine tempête, il tenait ferme le gouvernail de la barque de l’Eglise, mais il savait que Celui qui conduisait l’Eglise n’était autre que le Seigneur Ressuscité, même s’il semblait dormir.
Oui, « Au nom de Jésus-Christ, je te le dis : Marche ! » et n’ayons pas peur de prendre nos frères par la main pour les remettre debout. Alors tous unis nous pourrons louer le Seigneur et danser ensemble dans la joie de Dieu.


+ Jean-Pierre Cattenoz
Archevêque d‘Avignon