Seule la charité édifie

19 novembre 2012

Mot de l’évêque - Eglise d’Avignon n°82

Depuis plusieurs semaines, un verset de Paul aux Corinthiens m’habite : « Seule la charité édifie » (1 Co 8, 1). Tout est dit. L’Église ne peut s’édifier que par et dans la charité. Par conséquent toute atteinte à la charité porte atteinte à l’Église et l’empêche de grandir, de continuer à s’édifier.

Or, nous le savons tous, nous sommes incapables par nous-mêmes d’aimer vraiment. Nous en faisons l’expérience quotidiennement, ne serait-ce qu’avec notre langue. L’apôtre Jacques, non sans humour, nous le rappelle avec force :


« Nous commettons tous beaucoup de fautes. Si quelqu’un ne commet pas de fautes en paroles, c’est un homme parfait, capable de mettre un frein à tous les instincts de son corps. En mettant un frein dans la bouche des chevaux pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons tout leur corps. Voyez aussi les navires : Quelle que soit leur taille et la force des vents qui les pousse, ils sont dirigés par un tout petit gouvernail au gré de celui qui tient la barre. De même notre langue, qui est une si petite partie de notre corps : elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez encore : Une toute petite flamme peut mettre le feu à une grande forêt. La langue aussi est un feu, elle est le monde de la méchanceté. Cette langue est une partie de nous-mêmes, et c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle met le feu à toute notre existence, un feu qu’elle tient de l’enfer. Les humains sont arrivés à dompter et à domestiquer toutes les espèces de bêtes et d’oiseaux, de reptiles et de poissons, mais la langue, aucun homme n’est arrivé à la dompter, vraie peste, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel. Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, mais elle nous sert aussi à maudire les hommes, eux qui ont été créés à l’image de Dieu. Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche. Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. » (Jc 3,2-10)


« Mais l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Il nous a été donné pour venir au secours de notre faiblesse et nous permettre d’aimer vraiment, selon l’unique commandement que le Christ nous ait laissé : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Jésus, en nous donnant cet unique commandement avait ajouté : « Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples » (Jn 13, 35).

Ne l’oublions jamais : par le baptême, nous sommes devenus, de manière embryonnaire, fils dans le Fils. Désormais, nous appartenons au Christ. Nous devons apprendre à vivre en Christ, à grandir en Christ. En lui seulement nous pourrons, avec l’aide de l’Esprit Saint, aimer comme il nous a aimés ou plus exactement, c’est lui qui viendra aimer en nous et notre cœur battra au rythme de son amour à lui.

Alors, et alors seulement, nous pourrons participer pleinement à l’édification de l’Église dans l’amour. Aussi, je ne cesse de repenser aux mots de Paul – « seule la charité édifie » - et je me dis : toute atteinte à la charité, aussi petite soit-elle est une blessure que j’inflige à l’Église. Par contre, chaque fois que j’aime mon frère, je l’aide à s’édifier lui aussi dans l’amour et je participe aussi humblement que ce soit à la construction de l’Église, à son édification. Tous, nous avons à revenir sans cesse à ces fondamentaux de notre vie chrétienne et à mendier humblement la grâce de la charité pour qu’à l’amour que nous aurons les uns pour les autres, tous nous reconnaissent comme disciples du Christ.
Nos frères les hommes alors, et alors seulement, sentiront naître en eux le désir de vivre de cet amour qui transfigure la vie de tous ceux qui vivent en vérité dans le Christ.


+ Jean-Pierre Cattenoz