Espérer contre toute espérance

18 juin 2013

Mot de l’évêque - Eglise d’Avignon n°90


Nous venons d’entrer en récession, nous continuons à nous enfoncer dans une crise économique profonde, le chômage va de record en record, les expulsions ont repris, les restos du cœur font tout pour continuer à servir des repas aux plus démunis, le Secours Catholique essaye de répondre à un maximum de demandes partout dans le diocèse, beaucoup de paroisses se mobilisent. En même temps, combien de misères qui resteront cachées, combien de personnes qui, chaque jour, s’enfoncent dans la misère et l’angoisse du lendemain et des fins de mois. La popularité du chef de l’état et celle du premier ministre sont elles-mêmes en berne, et le temps n’arrange rien.

Dans quelques jours ou semaines, le mariage pour tous fera la une de nos journaux. Quelle sera la prochaine étape ? La Gestation Pour Autrui, la Procréation Médicalement Assistée, l’euthanasie ou plus exactement « le droit à mourir dans la dignité », en attendant l’eugénisme ou le droit de faire « disparaître » ceux qui seront une charge trop lourde pour la société de demain et le bien-être de tous. Mais, n’ayez pas peur, tout cela est expliqué et orchestré par les médias, sur ordre, pour lutter contre toute forme de ségrégation ! Et le phénomène n’est pas français, il s’enracine dans la conférence de Pékin des années quatre-vingt dix, a mûri à l’ombre des institutions internationales comme un virus avant de se répandre aujourd’hui dans le monde occidental.

En Avignon, nous avons vécu l’agression d’un frère de Saint-Ruf, le harcèlement, les vols dont les frères sont l’objet, sans oublier le racket et les menaces qui se multiplient à leur encontre, comme une interrogation et une souffrance devant « le mal-vivre » ensemble aujourd’hui dans nos quartiers. Il est urgent que nous prenions conscience de la gravité de la situation liée au chômage, à la déscolarisation, à la non-intégration des uns et des autres dans la société qui est la nôtre. Pourtant, il fait bon vivre en Provence et tout devrait contribuer à une vraie convivialité au quotidien. De même, qu’un religieux, un prêtre ne soit pas respecté comme tel dans notre société me pose question, alors même que pendant quinze ans en terre d’Islam, j’ai expérimenté le respect dont était l’objet un religieux chrétien.

En même temps, je reste plein d’espérance : le Christ est ressuscité et il nous entraîne avec lui sur le chemin de la Vie. Au moment même où Jésus est mort sur la croix, l’Esprit Saint a été répandu sur le monde pour que l’amour triomphe. Il nous a été donné pour venir au secours de notre faiblesse et nous permettre de dépasser nos limites, celles liées à notre nature et celles liées au péché qui nous habite. Au matin de la Pentecôte, il a été répandu en surabondance sur tous ceux qui étaient rassemblés dans la Maison Église. Désormais il se propose de nous remplir de sa présence divine et de nous permettre d’être délivrés de cette terrible maladie des yeux qui nous atteint tous. Nous discernons avec une acuité formidable les défauts des autres et nous sommes incapables de nous regarder en vérité. Grâce au don de l’Esprit, nous voilà capables d’ouvrir nos yeux sur toutes les merveilles de Dieu, nous sommes capables de nous émerveiller les uns des autres, et, même, nous sommes capables de dire en vérité : « Quelle merveille je suis, quelle merveille sont tes œuvres  ».

Nous allons bientôt célébrer la fête du Saint-Sacrement et nous pourrons découvrir émerveillés la richesse de l’eucharistie qui est tout à la fois action de grâce, mémorial de l’unique sacrifice du Christ sur la Croix, mystère de communion au Christ et de communion fraternelle, mystère de la présence du Christ qui continue à se donner à nous pour nous unir à lui. La semaine suivante, nous célébrerons la fête du cœur du Christ, l’occasion de nous abreuver à la source de l’Amour, à cette source qui continue de couler du côté transpercé de Jésus en Croix pour nous permettre de vivre d’amour.
Comment dès lors ne pas se réjouir de cette vie divine que vont recevoir tous ceux qui dans les prochains mois feront leur première communion, seront confirmés, se marieront ou simplement rencontrerons leur Seigneur dans le quotidien de leur vie. Sans bruit, dans le silence, Dieu va laisser déborder les sources de l’Amour pour se donner à chacun et à tous en surabondance, mais allons-nous l’accueillir : « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu ».

Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon