Laissez-vous saisir par le Christ

3 février 2020

Bloc-Notes, février 2020

J’ai encore dans mon cœur la joie de Noël, l’enfant emmailloté et couché dans une crèche, sous l’œil attendri de Joseph. Avec les bergers prévenus par un ange, je suis venu moi aussi, et j’ai entendu l’ange qui annonçait cette grande nouvelle : « Un sauveur vous est né ! » D’abord, je n’ai pas bien compris, mais je les ai suivis, et quand Marie a posé son regard sur moi, une joie immense est montée de mon cœur, je ne saurais vous expliquer, mais voilà ce qui s’est passé.

La présence de l’enfant rayonnait sans un mot sur chacun de nous. Marie déjà ne faisait qu’un avec lui, elle vivait de sa présence. Pendant neuf mois, elle l’avait porté dans son sein, déjà elle ne faisait qu’un avec lui dans le silence de son cœur. Maintenant qu’il est né, elle le contemple, elle l’adore. Un enfant, un petit enfant qui parle par son être même pour nous dire : si tu veux trouver le chemin de la vie, deviens, toi aussi un petit enfant, accepte de te dépouiller de tout pour te recevoir du Père d’instant en instant. Les bergers étaient là, le cœur rempli de joie, et ils racontèrent tout ce qui leur était arrivé. Leurs cœurs débordaient de joie.

Puis les mages sont arrivés sans bruit ni trompettes, ils avaient vu un signe, une étoile, et Dieu allait leur montrer comment il s’y prenait pour nous rejoindre et nous conduire à ne faire plus qu’un avec Lui. Il leur a enseigné les sept moyens qu’il utilise pour nous parler et se révéler à nous. Il nous parle par des signes, par sa Parole, en devenant lumière des nations, par la maison Église qui n’est autre que son Corps, par son être de petit enfant qui est le pauvre par excellence, et se reçoit du Père éternellement, par sa Mère qui nous dira à tous - « Faites tout ce qu’il vous dira. » Alors les mages ont compris, ils se prosternent et ils adorent l’enfant en qui ils reconnaissent leur roi, leur Seigneur et leur Sauveur. Suis-je prêt moi aussi à me prosterner et à dire en toute vérité à l’enfant Dieu, au Fils bien-aimé du Père : «  Tu es mon Roi, mon Seigneur et mon Sauveur » ?

Enfin, Jean était là au bord du Jourdain, les foules venaient à lui pour se faire baptiser en confessant leurs péchés, quand il vit Jésus qui avait pris place au milieu des pécheurs. Jean ne voulait pas le baptiser, mais Jésus lui a dit : « Tu comprendras plus tard ! » Quel mystère ! Le Fils de Dieu qui se mêle aux pécheurs pour ne faire plus qu’un avec eux, il porte le péché des multitudes pour les en libérer. Déjà, la Croix se profile à l’horizon de sa mission.

En repensant à tout cela, j’ai devant les yeux les images de ces chrétiens exécutés au Nigéria, de cette foule des martyrs anonymes de cette année au Nigéria, au Burkina-Fasso et partout dans le monde. Je vois repasser devant mes yeux toutes les victimes de la violence des hommes en Iran, en Irak, en Syrie et partout dans le monde. Derrière chacun, je vois se profiler l’Innocent crucifié qui continue à porter le péché des multitudes, mon péché, nos péchés.

Dans un dernier regard, je me vois sur le chemin de Damas à la place de Saul, et brutalement une lumière venue du Ciel m’envahit de sa clarté, et j’entends une voix qui me dit : “Pourquoi me persécutes-tu ?” et je me prends à répondre : “Mais qui es-tu Seigneur ?” et la réponse résonne encore dans tout mon être : “Je suis Jésus que tu persécutes !”

Quelle aventure, quel chemin à parcourir pour chacun de nous : se laisser éblouir par Celui qui est la lumière du monde, se retrouver aveugle devant la révélation même de Dieu qui remet en cause toutes nos certitudes. Je vais devoir accepter de revoir toutes mes certitudes, toute ma manière de vivre : se laisser conduire par la main par d’autres, découvrir que l’autre est le Christ et qu’il devient pour moi un chemin de lumière, accueillir le frère qui viendra m’ouvrir les yeux, et par le bain du baptême et le don de la confirmation, me donner de naître de nouveau et de recevoir l’effusion de l’Esprit.

Enfin, je redécouvrirai que par l’eucharistie, je deviens Celui que je reçois ; désormais, il m’est donné de vivre en Christ et de pouvoir dire avec Paul : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi”, “Ma vie présente, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi”. Oui, comme le dit le titre du dernier livre du pape François : “Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire”. Puissions-nous tous vivre cette merveilleuse révolution copernicienne : apprendre à vivre en Christ.


 + Jean-Pierre Cattenoz