Le Carême

12 mars 2011

Mot de l’évêque - EDA n°67


Depuis plusieurs semaines la liturgie nous invite, chaque dimanche, à relire la charte fondatrice de toute vie en Christ telle que saint Matthieu nous la présente à travers son évangile, avec toutes ses exigences.

Cela a commencé par les béatitudes qui nous ont présenté un mode de vie à l’opposé de ce que nous sommes prêts à vivre :
"Bienheureux les pauvres,
bienheureux ceux qui pleurent,
bienheureux les miséricordieux,
heureux serez-vous si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous…"


Ensuite, Jésus nous a rappelé qu’il était venu pour accomplir la loi et il a bien précisé qu’il serait impossible d’avoir la vie si notre justice ne dépassait pas celle des scribes et des pharisiens. Dans la même veine, il nous a invités à tendre la joue droite à celui qui nous giflait sur la joue gauche ; il nous a invité à aimer nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutaient. Il nous a appelés à baser notre vie sur le jeûne, la prière et l’aumône.

Enfin, pour clore son programme de vie, il nous dit :
"Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait".

Qui d’entre nous n’est pas tenté de refermer l’Evangile devant de telles exigences ? Ce n’est pas pour nous ! Comment voulez-vous être parfait comme Dieu lui-même ? Cela est impensable. Mais alors, que faire ? En
réalité, l’évangéliste lui-même a voulu nous conduire dans une impasse, impossible de mener une telle vie par nous-même. Une telle charte de vie serait dramatique s’il n’y avait pas d’issue possible. Mais pour comprendre, il faut continuer la lecture de l’évangile de saint Matthieu.

L’évangéliste multiplie alors les récits de miracles pour nous présenter des malades incurables, des situations extrêmes et nous inviter à nous identifier aux cris des malades qui demandent à Jésus de venir les guérir, de venir à leur secours car notre situation est semblable à la leur  : "Seigneur, si tu le veux, tu peux me libérer de ma lèpre", "Seigneur, au secours, nous périssons".
Alors Jésus pourra s’approcher de nous et nous toucher en nous disant : "Je le veux soit purifié de ta lèpre !", il pourra répondre à nos cris en se levant et en nous libérant de la mort qui allait nous submerger.
Saint Matthieu prendra alors le temps de nous rappeler les mots d’Isaïe : "Il a pris sur lui nos infirmités, il s’est chargé de nos maladies", il nous redira les mots de Jésus : "Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs". Enfin il nous montrera Jésus bouleversé devant la foule comme devant des brebis qui n’ont pas de berger. Alors, il sera notre bon berger, il marchera sur le chemin du calvaire pour nous attirer à lui et nous donner de pouvoir trouver la vie en lui.

Dès lors, le temps du carême n’est pas un temps où nous devrons multiplier les exploits pour essayer de vivre à la hauteur des exigences de la charte des béatitudes, nous sommes perdants d’avance. Le carême est un temps où Jésus nous invite au contraire à apprendre à vivre par lui, avec lui et en lui. Nous devons nous désapproprier de nous-mêmes, nous dégager de nous-mêmes pour faire l’apprentissage de la vie en Christ.
Nous devons comprendre que la charte de vie que saint Matthieu nous présente dans son Evangile, seul le Christ l’a mise en oeuvre ; elle correspond certes au projet du Père, mais l’homme blessé par le péché est
devenu incapable de réaliser ce projet. Aussi, le Fils est venu partager notre aventure humaine pour nous permettre en lui de retrouver le chemin de la vie divine, cette vie pour laquelle nous sommes faits.

Ainsi, le temps du carême est un temps béni où Dieu nous conduit au désert pour nous séduire et pour parler à notre coeur. Lui-même nous le dit :
"Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur."