Elevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi

19 avril 2012

Mot de l’évêque - EDA n°78

La foule vient de l’acclamer à son entrée à Jérusalem, il est vraiment Celui qui vient au nom du Seigneur, mais déjà la mort rode autour de lui, Judas est prêt à le livrer, les autorités religieuses veulent sa mort, mais pas pendant la fête, Pierre est prêt à mourir avec lui à condition que ce soit les armes à la main. Il faisait déjà nuit, Jésus est entré dans le Temple, après avoir tout regardé autour de lui, il sortit pour aller à Béthanie, dans la Maison du pauvre, dans sa maison.

Le lendemain, dans le Temple, il met dehors les trafiquants en tout genre et il s’écrie : « Ma Maison, vous en avez fait une caverne de brigands. » Or « Le Temple de Dieu est sacré et ce Temple, c’est vous ! » Les jours passent, un matin, Jésus est assis, il regarde une foule de gens riches qui mettent des poignées de ferraille dans le tronc du Temple. Une pauvre veuve arrive, elle met deux petites piécettes, tout ce qui lui reste ; elle n’a pas mis de son superflu, elle a tout donné jusqu’à sa propre vie ! Le soir, à Béthanie, Jésus est à table dans la maison de Simon, le lépreux, il s’y sent chez lui ; une femme arrive, brise un vase de parfum et le verse sur la tête de Jésus, les disciples s’indignent devant un tel gaspillage, mais en fait, elle annonçait la mort du Fils de l’homme.

L’heure est venue pour lui de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les hommes qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. Le voilà qui célèbre la Pâque. Le disciple bien-aimé vient se pencher sur la poitrine de Jésus, il entend battre le cœur de Dieu, il perçoit la miséricorde divine qui brûle dans le cœur de Dieu. L’heure est venue pour Jésus, lui l’Emmanuel, de célébrer l’alliance nouvelle, son corps et son sang livrés pour le salut de la multitude, prenez et mangez, prenez et buvez, « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude ».

Ils sortent pour prier dans le jardin, les disciples s’endorment, incapables de prier et Jésus tout à la fois nous livre son intimité avec le Père, « Abba, Père ! », et la souffrance de l’agonie qui l’envahit. Judas arrive avec des soldats et des gardes, ils cherchent Jésus de Nazareth, ce village perdu de Galilée, et ils ont en face d’eux le Fils Bien-Aimé du Père. Ils ne savent pas ce qu’ils font.

Il est arrêté, abandonné de tous, bafoué par tous, traîné devant les autorités religieuses qui n’arrivent pas à trouver de faux témoignage et le renvoient à Pilate pour obtenir sa condamnation : il doit mourir ! Il ne se défend pas, il se laisse faire, il porte le péché du monde, celui de tous les hommes de tous les temps, il porte mon péché, il m’a aimé jusque-là. Pierre le trahit et dit en toute vérité : « Je ne le connais pas ». Cet homme réduit à l’état de loque humaine, ce ne peut être le Fils de Dieu venu dans le monde pour le sauver, nous nous sommes trompés en devenant ses disciples.

Pilate, sans s’en rendre compte, nous livre le sens des événements : il libère un homme, un condamné à mort, Barabbas, le Fils du Père, et nous le sommes tous ; il livre en lieu et place Jésus, le Fils Bien-Aimé du Père au supplice de la Croix. Par la mort du Fils, nous retrouverons notre dignité de Fils.

Simon de Cyrène est réquisitionné pour porter la Croix, lui le père d’Alexandre et de Rufus. En réalité, à travers lui, symbole de l’humanité juive, grecque et romaine, toute l’humanité connue à l’époque est réquisitionnée pour porter la Croix. Quel mystère que ce désir de Jésus d’associer l’homme au salut qu’il s’apprête à lui donner.

Jésus est cloué à la Croix, il agonise, mais il trouve encore la force de confier le disciple bien-aimé, de nous confier tous à la Mère, sa Mère. A partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui : impossible de devenir disciple de Jésus sans prendre Marie chez nous. Il trouve encore la force de dire au bandit qui agonise avec lui : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis  ». Enfin, il pardonne à tous, il laisse jaillir de son cœur les sources de la miséricorde qui redonne vie au monde. Il rend l’esprit, il répand l’Esprit Saint pour qu’il organise son Corps qui est l’Eglise et qu’il plane de nouveau sur le tohubohu de chacune de nos vies. Oui, élevé de terre, il attire tous les hommes à lui.

Pendant ces fêtes pascales, puissions-nous l’accompagner, le contempler dans le silence et entrer ainsi dans l’intelligence du cœur, en nous laissant conduire par l’Esprit Saint et la Vierge Marie aux sources de l’Amour. Je ne veux rien savoir parmi vous sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.

+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon